La loi du 26 novembre 2025 de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, dite « loi Huwart », constitue un texte dense et technique qui modifie en profondeur les réflexes des collectivités en matière de planification, d’autorisation et de contentieux de l’urbanisme. Malgré une censure partielle par le Conseil constitutionnel, la loi conserve l’essentiel de ses mécanismes d’accélération de la prod
uction de logements, au prix d’un renforcement du droit dérogatoire.
- Une loi « patchwork » partiellement censurée
Définitivement adoptée le 15 octobre 2025 et promulguée le 26 novembre, la loi Huwart a été publiée au Journal officiel du 27 novembre 2025. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2025-896 DC du 20 novembre 2025, a censuré une douzaine de dispositions qualifiées de « cavaliers législatifs », tout en validant le cœur du dispositif de simplification et d’accélération des procédures.
Le texte, passé de 4 à 31 articles au fil de la navette parlementaire, est ramené à 19 articles après censure, mais conserve une architecture en trois volets : refonte partielle de la planification, facilitation opérationnelle des projets et aménagement du contentieux de l’urbanisme.
- Planification : mutation des PLU(i) et SCoT
La loi supprime la distinction entre modification « simplifiée » et modification « de droit commun » des PLU(i), pour ne laisser subsister qu’une procédure unique de modification. La révision est désormais réservée aux seules évolutions structurelles affectant les orientations des documents (PADD pour les PLU(i), PAS pour les SCoT), certaines orientations en faveur des énergies renouvelables relevant expressément de la modification.
Parallèlement, certaines modifications échappent à l’évaluation environnementale (simple rectification d’erreur matérielle, réduction d’une zone U ou AU), tandis que le recours à la participation du public par voie électronique est facilité, l’enquête publique devenant moins fréquente. La loi impose seulement la mise à disposition d’un dossier papier aux horaires d’ouverture dans les mairies concernées, ce qui consacre, en pratique, une « modification simplifiée » de fait.
- SCoT, document d’urbanisme unique et ingénierie foncière
Pour les SCoT, la loi met fin à la caducité automatique et allonge de 6 à 10 ans le délai d’analyse des résultats de leur application. Elle autorise également, lorsque les périmètres coïncident, la création d’un document unique valant à la fois SCoT et PLUi, dont les modalités seront précisées par décret.
Afin de renforcer l’ingénierie des collectivités, la loi permet aux communes d’adhérer directement aux établissements publics fonciers, y compris ceux de l’État, en généralisant aussi la possibilité de modifier par décret le périmètre des EPF d’État. La durée de portage foncier exonéré d’impôts pour les EPF est portée de 3 à 10 ans, ce qui constitue un levier supplémentaire pour des stratégies foncières de long terme.
- Dérogations au PLU et nouveaux outils d’aménagement
Le champ des dérogations au PLU fondées sur l’article L.152-6 du code de l’urbanisme est élargi à l’ensemble des communes, et non plus aux seules communes situées en zones tendues soumises à la taxe sur les logements vacants. Les dérogations peuvent viser notamment le gabarit, la densité, les surélévations, les règles de retrait ou encore le stationnement, sous réserve de l’accord de l’autorité compétente, le maire conservant un avis conforme en cas de PLUi.
La loi crée en outre de nouveaux cas de dérogation pour favoriser la production de logements dans les zones d’activités économiques, les logements étudiants et la conversion de bâtiments agricoles, ainsi qu’un nouvel outil : l’opération de transformation urbaine (OTU), forme d’OAP destinée à optimiser le bâti existant dans les quartiers pavillonnaires ou zones d’activités. La généralisation du permis d’aménager multisites à tous les lotissements est confirmée, avec la possibilité d’y intégrer des parcelles à renaturer.
- Energie, parkings et obligations de solarisation
La loi aménage également les obligations de solarisation des parkings extérieurs de plus de 1 500 m² issues de la loi « Aper » de 2023. Elle permet désormais de combiner ombrières photovoltaïques et végétalisation pour satisfaire aux exigences, à condition qu’au moins 35% de la moitié de la surface totale du parking soient couverts par des panneaux solaires, la combinaison de plusieurs sources d’énergies renouvelables étant rendue possible.
Cette flexibilité doit toutefois être intégrée dans la rédaction des documents d’urbanisme et dans l’instruction des autorisations, afin d’éviter les contradictions entre prescriptions locales et normes nationales.
- Police de l’urbanisme : sanctions renforcées
Sur le terrain de la police de l’urbanisme, la loi renforce sensiblement l’arsenal à la disposition des maires. La mise en demeure pour travaux irréguliers peut désormais être assortie d’une amende pouvant atteindre 30 000 euros, tandis que le montant maximal de l’astreinte passe de 25 000 à 100 000 euros.
Certaines mesures souhaitées par le bloc communal ont cependant été censurées comme cavaliers, notamment la réduction du délai d’acquisition des biens sans maître et la transmission d’informations fiscales aux maires, ainsi que la faculté de soumettre certains changements de sous-destinations à déclaration préalable ou de déroger à l’interdiction de construire en dehors des espaces proches du rivage pour certaines constructions agricoles
- Contentieux de l’urbanisme : délais et cristallisation
Sur le plan contentieux, la loi réduit à un mois le délai du recours gracieux contre les autorisations d’urbanisme, sans prorogation du délai contentieux, ce qui impose une vigilance accrue des requérants. Elle prévoit en outre la cristallisation des règles d’urbanisme à la date du permis initial, pour les permis modificatifs, pendant trois ans à compter de la délivrance de l’autorisation initiale.
La loi encadre également les demandes de substitution de motifs et exclut l’invocation par voie d’exception de certains vices de forme et de procédure, dans une logique de sécurisation accrue des autorisations. En revanche, la disposition qui subordonnait l’intérêt à agir à la participation préalable à la procédure de participation du public a été censurée comme portant atteinte au droit à un recours effectif.
- Calendrier d’entrée en vigueur : vigilance pour les services instructeurs
La plupart des mesures, notamment contentieuses, sont entrées en vigueur le 28 novembre 2025, sous réserve des renvois à des textes d’application ultérieurs. S’agissant des procédures d’évolution des documents d’urbanisme, un délai de six mois est prévu à compter de la promulgation pour s’adapter aux nouvelles règles, lesquelles ne s’appliquent pas aux procédures déjà engagées à cette date.
Les collectivités, services instructeurs et opérateurs publics ont ainsi un temps limité pour intégrer ces nouveaux outils et contraintes, repenser leurs pratiques et sécuriser leurs procédures internes.
Tableau récapitulatif des principaux apports de la loi Huwart
Volet | Mesure principale | Effet pour les collectivités |
| Planification | Suppression de la modification simplifiée, maintien d’une seule procédure de modification | Simplification formelle mais nécessité de bien distinguer modification et révision. |
| SCoT | Fin de la caducité automatique, analyse tous les 10 ans | Plus grande stabilité des documents de planification stratégique. |
| Ingénierie foncière | Adhésion directe aux EPF, portage exonéré porté à 10 ans | Renforcement des capacités foncières des communes et EPCI. |
| Dérogations au PLU | Extension du L.152‑6 à toutes les communes, nouveaux cas de dérogation | Outil puissant pour produire du logement, sous contrôle du maire. |
| Outils opérationnels | OTU, permis d’aménager multisites généralisé | Facilitation des opérations complexes et de la renaturation. |
| Energie | Assouplissement des obligations de solarisation des parkings | Plus grande flexibilité dans la combinaison ENR / végétalisation. |
| Police de l’urbanisme | Relèvement des amendes et astreintes | Renforcement de la capacité de réaction des maires en cas d’infraction. |
| Contentieux | Réduction du recours gracieux à 1 mois, cristallisation des règles | Sécurisation des autorisations mais réduction des marges de contestation. |